La compagnie KL - Pierre Riberolle

Chacun de mes spectacles a demandé entre 3 et 4 ans de travail avant de trouver leur forme respective.
Chacune de mes créations prend forme avec différences de chronologie entre l'écriture, les recherches techniques, jonglistiques, scénographique... Chacune a un mode de construction différent !

Pour 45° sans eau, mon deuxième solo, l'idée a germé en 2012. Le hasard a voulu que j'achète deux nouvelles plaques de rebond. Il m'en restait une, j'en avais maintenant trois... Après avoir repris l'angle de mon diable renversé (que j'utilisais comme plan incliné dans "Slam et des balles"(voir photo!)) et construit 2 modules en bois pour faire les supports, j'avais maintenant trois plans inclinés qui pouvaient se renvoyer les balles avec moi au milieu.
Une fois en train de jongler dans cette installation, il m'apparût alors que j'étais au cœur du logo du nucléaire ! J'entrepris alors 2 ans de recherche sur le nucléaire, la réaction en chaîne, et autres joies de l'Atome, avec en parallèle, deux ans de recherches pour trouver une nouvelle partition de jonglerie sur trois plans inclinés. Au bout de 2 ans, j'avais une sorte de conférence gesticulée de 1h30 et beaucoup de nouvelles figures jonglistiques. Le regard extérieur de François Bouille de la cie Alchymère a fait du tri dans tout ça pour répondre au besoin de clarté, et diminué la durée pour arriver à 45 minutes. En 2015, naissait la version définitive du spectacle.

Pour "Slam et des balles", sorti officiellement en 2009 et réfléchi depuis 2006, la difficulté était de tenir un public en rue avec de la poésie qui demande une écoute particulière. Les interactions avec des personnes qui interviennent sur scène et des "décompresseurs neuronologiques" entre les phases poétiques ont été les solutions. Elles ont propulsé le spectacle pour plus de 400 représentations, faisant naître la particularité de la cie et ses attributs à savoir : Des techniques de jongleries atypiques, un sujet de société amené avec humour, du détournement d'objet, une écriture travaillée et un contact chaleureux et bienveillant avec mes publics.

Crash terre est né de ma passion pour le roller, que j'ai découvert à Toulouse et que bien plus tard j'ai adapté à celle de la jonglerie. En 2016 je commençais à chausser les rollers et à jongler en même temps, puis en 2017 j'ai inclus mes plans inclinés dans cette nouvelle "démarche jonglistique". Il apparaissait nettement que ce spectacle aurait un caractère autobiographique, je me suis donc appuyé sur ma propre histoire pour construire une première "trame" et la notion de perturbateurs endocriniens est apparue comme évidente, mes passions étant relié à du matériel plastique. Aujourd'hui, 20 ans de relation étroite avec ces matériaux "nocifs"... Avec le regard extérieur de Sébastien Coppolino de la cie les Barbus nous avons donc résolu la problématique de trouver une fin qui ressemble à la prise de conscience du personnage qui se retourne contre son maître. Et de quelle manière !!!

Pour Pince mi pince toi, l'idée de faire un jeune public sans parole était l'objectif de départ sans spécialement de direction. Après un changement d'accordéoniste, le propos s'est resserré sur comment communiquer avec une personne n'ayant pas le même langage. Au final ce spectacle aura eu deux phases de "construction" répondant aux désirs de mes partenaires de jeu, la première un peu "cucul la praline" mais qui a permis de mettre en place un décor et une première trame, la seconde beaucoup plus rigoureuse et misant sur les échanges possibles entre une accordéoniste et un jongleur, nous amenant à de nouvelles techniques, de nombreuses manières de nous entendre et arriver au bout de cette idée là.

Je suis tombé amoureux de la jonglerie à 16 ans, dès le moment où j'ai réussi à avoir le 3 balles soit après environ 2 heures de persévérance.
Un coup de foudre qui m'a vite poussé à trouver de nouvelles figures et à m'accrocher à cette nouvelle passion que j'ai vécu en amateur pendant 10 ans.

Je dirai que c'est le regard du public lors des spectacles avec Mamagabe qui m'a vraiment permis d'entamer une reconversion professionnelle et d'y croire.
Celui-ci m'a permis de voir où était ma place et peut être qui je suis vraiment et ce que je voulais vraiment faire. Bref de réveiller la confiance en moi.
 
A partir de là c'était comme logique d'aller au bout de mes idées, qui me semblaient avant, farfelues et irréalisables.

Mais le chemin vers le travail d'artiste n'est pas si simple et il a fallu beaucoup de remise en question pour explorer les différentes possibilités artistiques.
Sans réelle formation et sans contact particulier, il a fallu commencer sur le port de La Rochelle "au chapeau" avant d'être programmé dans des centres culturels, puis dans les festivals d'arts de rues.
Aujourd'hui je sais que je suis indéniablement à ma place et répond à de nombreuses demandes partout en France.

Tout est question d'ironie, de sarcasme, et de profiter de l'absurde d'une situation que l'on a laissé naître et grandir dans son absurdité.
Il suffit de suivre le projet de l'E.P.R., le récit du dossier est réellement abracadabrantesque et n'importe qui avec un peu d'humour en rigolerait !

Ensuite pour ce qui est de mes messages, j'essaye au maximum de ne pas passer pour un donneur de leçon.
Je n'ai pas la solution pour régler ces problèmes, tant la complexité économique de notre monde est immense et dépend d'une philosophie générale que personne aujourd'hui n'est prêt à suivre, voire juste à écouter... Je mets juste le doigt sur des vérités simples et joue sur les situations que cela peut générer.
Et mine de rien cela plante des graines, de savoir vivre, de savoir tout court, de révolte peut être.

Une façon de faire de la culture populaire pour dire aux gens des vérités pourrîtes, mais en égayant quand même leur journée !

Je fais partie de Mamagabe depuis 2000 en tant qu'adhérent et m'implique dans le bureau de l'association depuis 2007 et donc dans l'organisation de la convention depuis 2008.
Nous organisons (presque tous les ans...) la convention Mamagabe et en effet cette année nous réorganisons la convention nationale pour la 3 ème fois (2014,2021,2023).
Un rendez-vous que les jongleur.euse.s attendent impatiemment (du moins je l'espère !).
L'édition 2021 était très complexe à organiser mais nous avons su faire preuve de ténacité et ce fût au final une magnifique convention. J'espère que 2023 sera plus sereine...

Mamagabe c'est aussi une association "à l'année", où l'un de notre objectif principal est de faire vivre la salle des feuillants où nous avons de nombreux créneaux ouverts à la pratique amateur libre et professionnelle. L'idée étant bien sûr de rassembler et de se mélanger autour de la jonglerie. Nous participons par ailleurs au carnaval de Poitiers et à d'autres évènements qui cherchent des animations jongleries et mettons en avant de jeunes professionnel.le.s. Nous faisons également parti d'un vaste tissu associatif bénéfique lors d'organisation d'évènements pour le prêt de matériel, le partage de ressource...etc.

En jonglerie rebond, il n'y a pas un drop pareil qu'un autre.
Parfois la balle reviendra comme par magie,
Parfois il faudra en prendre une de rechange et aller chercher la fugitive sous la scène ou dans l'eau après le show,
Parfois le drop n'en est pas un et deviens le début d'un autre mouvement ...
Le drop d'une balle rebond c'est un instant magique, qui impose l'improvisation,
même si certains drops sont écrits, parfois font même partis de la mise en scène.
(ex: 45° sans eau / 4"drop" obligatoire car ils servent le propos)
D'autres s'immiscent dans le spectacle tranchant les limites et pulvérisent le rythme installé.
Soit ils offrent des cadeaux de rue, soit ils t'embourbent tout cru !

J'ai tendance à dire que la balle rebond est l'objet le plus vivant que je connaisse.
Elle a une faculté indéniable à se cacher, à renverser, à rencontrer, à traverser, à briser, à se salir, à gigoter, à rouler et tout simplement à rebondir en installant le chaos !

Un détail peut-être mais dans chacun de mes spectacles, la chute est réfléchie, anticipée dans la mesure du possible et raconte quelque chose en lien avec la mise en scène...
Mais encore une fois quand une balle s'en va je ne sais pas où elle s'arrêtera !

En général la chance me sourit et les conditions sont souvent clémentes.
 
Aujourd'hui il est plus courant de souffrir de la chaleur que de la pluie.

Après, c'est délicat certaines fois, quand le temps est incertain, car cela met à mal l'organisation qui nous emploie.
Ça installe une sorte de malaise mais personne ne contrôle vraiment la météo...Et puis arrive l'éclaircie et c'est la délivrance.
Parfois il pleut en plein milieu, et le public reste avec les parapluies ou les capuches.

En exemple, un jour pour la convention de jonglerie à Lorient (il y a longtemps...!) ma représentation avait lieu sur le bord de mer avec tout ce que cela implique...
L'océan dans le dos, couvrant les mots par son boucan, et le vent ne laissant aucune chance au moindre équilibre. C'était fun d'être en lutte contre les éléments et d'arriver tout de même à gérer autant que faire se peut !

En rebond on est obligé de prendre des plaques, soit du bois épais soit de la pierre genre marbre ou granit...
Je m'appelle Pierre... Mon grand-père était géologue... J'ai choisi la roche !
Et aujourd'hui je me promène parfois avec quatre plaques de granit de 15kg chacune (80x60) sur un diable.
Quitte à bosser avec ce matériau autant l'utiliser dans toutes ses possibilités utiles (plan incliné pour balle ou roller) ...

Sinon je m'entraine la majeure partie de l'année (quand je ne suis pas en résidence ou en spectacle bien sûr) à la salle de Mamagabe, qui n'est pas très grande. Donc les balles reviennent vite à moi et le sol est parfait pour l'ensemble de mes pratiques...

Au travail, j'ai le matériel pour jouer sur un sol pas trop en pente que ce soit de l'herbe, du goudron ou n'importe quelle surface pas trop poussiéreuse... Ce sont finalement des demandes assez classiques en arts de rue. Mais ça se complique un peu avec "Crash terre" et la pratique du roller sur 7m sur 7m !

Il y aurait plein de conseil à donner... Un des premiers conseils que l'on m'a donné c'est d'être léger et autonome.
Sinon bah amuse toi bien et bon courage!

Organisateur d'évènement, programmateur, gardien de gymnase peut être, ou je serai retourné dans la restauration... La question est intéressante car après 15 ans de "carrière" (je me marre en parlant de carrière !) il m'arrive d'avoir envie d'une autre vie, d'un autre métier... 
Mais pour l'instant je pense plus à la prochaine création qu'à changer de métier donc tout va bien!!!