Le jonglage n’est pas qu’une affaire d’agilité et de dextérité. Au détour d’une interview, Jonathan nous révèle comment il a donné une nouvelle dimension à cet art en développant une approche pédagogique fondée sur le plaisir, la musique, la collaboration et l’autonomie. Entre récit de vie, réflexion sur la communauté des jongleur·euses et présentation d’une méthode novatrice, cette rencontre offre un éclairage inédit sur ce que le jonglage peut être aujourd’hui.
En allant à des rencontres de spinneur·euses, j’ai rencontré des jongleur·euses. À cette époque, je n’étais vraiment pas du tout attiré par le jonglage « traditionnel », mais des jongleurs m’ont parlé du site-swap. Ça m’a vraiment surpris et séduit de voir des gens face à des listes de chiffres comme face à des petites énigmes. C’est comme ça que je me suis mis à jongler d’abord aux balles. J’ai donc commencé à m’investir dans cette nouvelle communauté parisienne, remplie de personnes qui déjà très fortes, étaient ou allaient devenir elles aussi jongleur·euses professionnel·les.
Peu avant que je ne consacre tout mon temps au BAM (balles anneaux massues), j’ai fait une scène ouverte à la convention de Carvin 2007. Ce passage sur scène devant des jongleur·euses passionné·es n’était pas du tout préparé, mon inscription au programme s’est faite dans la journée même. J’ai passé mon après-midi à me trouver une musique et des vêtements présentables pour passer sur scène. Finalement, malgré cette impréparation, cette scène ouverte a été un moment très agréable, et le public m’a récompensé d’une standing ovation. C’est cet événement en particulier qui m’a fait me dire qu’il fallait commencer à envisager de devenir jongleur professionnel. C’est un an plus tard que j’intégrerai l’académie Fratellini pour me former professionnellement, intégrer la compagnie des objets volants en 2012, puis créer la compagnie L’expédition en 2018.
Une différence forte est que j’ai un but clair quand je jongle : m’amuser et prendre du plaisir.
Je vois beaucoup de pratiquant·es qui jonglent sans vraiment savoir pourquoi. Parfois par habitude, d’autres par appartenance à un groupe d’ami·es, d’autres encore dans l’espoir, plus ou moins conscient, qu’être fort en jonglage dans l’avenir leur apportera de la reconnaissance. Quand je vais dans un festival de jonglage, je vois trop de gens qui « travaillent » et pas assez qui « s’amusent ».
Il me semble qu’il y a une vraie problématique dans la communauté du jonglage autour de cette question. L’apprentissage de figures traditionnelles est, pour beaucoup, et surtout pour les débutants, quelque chose de très ingrat, rébarbatif, ennuyant, nous confronte trop à l’échec, et demande trop de discipline pour un résultat de moins en moins encourageant, car les efforts à fournir sont de plus en plus conséquents et les récompenses de moins en moins régulières au fur et à mesure de sa progression.
Une bonne séance, c’est une séance dont je ressors ressourcé, amusé, avec le sourire, bien dans mon corps et dans ma tête. Pour arriver à ce résultat, j’ai mis de côté les approches qu’on trouve habituellement chez les jongleur·euses, et j’ai étudié différentes approches pédagogiques d’autres disciplines comme la musique, pour ensuite les adapter à l’apprentissage du jonglage.
Pour construire cette méthode, j’ai testé des séances de cours sur des personnes de différents niveaux, pour voir non pas si elles avaient progressé, mais si elles s’étaient amusées. C’est en confrontant mes hypothèses aux ressentis des gens que j’ai construit la méthode des lancers harmoniques.
Je vois la musique à la fois comme un guide et comme un partenaire.
Un guide, car si on cherche à faire une musique de sa pratique, ça nous place dans une écoute, une attention qui nous aide pour rester attentif·ves et donc à voir plus facilement les détails à améliorer, mais surtout à nous plonger pleinement dans l’instant présent et donc à une certaine forme de bonheur.
Un partenaire, car avec la musique, on ne travaille plus tout seul, mais à l’écoute de quelque chose extérieur à soi. Cela prépare les rencontres avec ceux qui font la musique, les musicien·nes (ou des gens pratiquant un jonglage musical). Se préparer à ces rencontres permet de mieux profiter de moments de partages collectifs.
La méthode s’accompagne d’un système d’écriture. Il ressemble graphiquement et conceptuellement au solfège. Le but est de transcrire à l’écrit ce qu’on aime jongler. Et comme en musique, la jonglerie est plus simple à transmettre à l’écrit que dictée à l’oral.
Comme pour la musique, ce n’est pas indispensable de savoir lire les partitions, mais cela à quelques avantages non-négligeables.
Comme beaucoup de gens, j’aime pratiquer ma passion, et j’en tire encore plus de satisfaction quand je pratique avec d’autres passionné·es. C’est en partie pour ça que je développe la MLH, c’est surtout pour pratiquer avec d’autres. :)
Le fait de pratiquer un jonglage pulsé permet des rencontres artistiques et humaines plus simples et directes.
La création de ce spectacle était en soi un défi pour éprouver la méthode et le système de partition des lancers harmoniques.
Si tous les interprètes sont formés à la MLH, alors nous pourrons travailler chacun individuellement les parties techniques, et ne prendre que les temps collectifs pour explorer de nouvelles idées ou la mise en scène. Nous avons donc pris 5 semaines ensemble, mais entrecoupées d’un mois de répétition individuelle chacun chez soi. Nous avions donc tout le temps pour apprendre à notre vitesse et notre manière chacune de nos partitions. Cela a permis d’être beaucoup plus disponible lors de nos retrouvailles, et donc les temps collectifs étaient toujours très agréables et créatifs.
Déjà, rappelons qu’avoir son propre style n’est pas une obligation. Je me permets de le dire ici, car cette idée me semble trop présente et met beaucoup de pression à tou·tes, débutant·es comme jongleur·euses confirmé·es.
Comme en musique, où jouer les mêmes morceaux déjà joués par beaucoup de gens peut être une source de plaisir, nous devrions être capables de profiter d’un jonglage déjà existant sans devoir écrire ses propres routines ou créer ses propres figures pour apprécier le jonglage.
Maintenant qu’on sait que je défends l’idée de jongler pour le plaisir, et encore plus en groupe, bien sûr que le drop est quelque chose que je ne souhaite pas sur scène.
J’entends l’idée que le drop puisse être une source d’improvisation, une opportunité de s’inscrire dans le présent. Mais il semble que ce discours, dans bien des cas, soit une posture adoptée pour mieux vivre le drop perçu comme inévitable.
Je veux faire entendre qu’il est possible de pratiquer un jonglage "dropless" , et que cela est une source de satisfaction personnelle et collective incroyable et facile d’accès.
La question qui se pose maintenant est : comment faire pour ne pas faire tomber ses balles ? Tout simplement en choisissant des exercices et des séquences faciles et plaisantes. Et comme en musique, c’est en passant tout son temps de pratique à réussir, qu’on a de grandes chances de réussir sur scène (et pire, c’est en répétant les mêmes erreurs qu’on les ancre en soi et qu’elles ressortent sur scène…). Cela étant dit, malgré toutes les précautions prises, il est toujours possible qu’un drop arrive sur scène. La pratique des Lancers Harmoniques permet d’avoir une meilleure connaissance de sa partition, et donc de ne pas être troublé, et de pouvoir la reprendre en cours de route.
Je perçois une bonne évolution sur le plan humain. Il y a moins de compétition, une plus grande place est faite à tou·tes même si le chemin n’est pas encore terminé. Mais à côté de ça, il me semble qu’elle perd en connaissance, en réflexion et en conceptualisation.
J’espère voir la communauté des jongleur·euses ne pas éluder les problématiques que la société traverse, sans pour autant oublier son travail de recherche technique et artistique qui lui a permis de naître.
Un des moments les plus forts que j’ai vécu ces dernières années s’est passé à la convention de la Glühwein 2019.
Un soir, Christelle Herscher, en tant que DJ de la soirée, nous servait une musique parfaite pour jongler. Je faisais une séance d’improvisation avec Vincent Manguaud, quand plusieurs jongleur·euses se sont assis·es en cercle autour de nous, transformant cette séance de jeu intimiste en petit spectacle. Puis d’autres jongleur·euses ont participé à cette jam, puis d’autres spectateur·trices, pour faire une centaine de personnes après 2h de jam, avec l’impression partagée de vivre une communion rarement vécue entre jongleur·euses, et un plaisir inégalé d’être ensemble, connectés par la musique d’une des nôtres, autour de notre passion.
Tout le monde se sentait accueilli à entrer dans le cercle, tout le monde soutenait ceux et celles qui proposaient quelque chose. Nous étions une masse aux yeux et aux oreilles remplis de bonheur.
Voilà un souvenir qui m’invite régulièrement à transmettre ma vision d’un jonglage en rythme avec la musique.
Qu’il faut y aller doucement et avec plaisir. Faire de petites sessions régulières, en étant à l’écoute du plaisir qu’on éprouve ou non à faire tel ou tel exercice, permettra d’augmenter ses chances de progresser, mais surtout de passer du bon temps.
L’expédition développe 3 grands axes :
Je ne sais pas si c’est vraiment moi qui l’ai décidé. Ce qui me semble important, c’est d’aller sur scène !
Il y a beaucoup de conventions qui proposent des scènes ouvertes, elles sont faites pour cela ! Proposez quelque chose de simple, quel que soit votre niveau, déjà pour savoir si ça vous plaît (car aimer jongler ne veut pas forcément dire jongler sur scène). Comme tout, c’est en pratiquant régulièrement quelque chose que l’on aime qu’on progresse et qu’on s’épanouit.
Merci pour tes mots Jonathan et d'avoir pris le temps de partager avec nous ! Cette interview est un rappel que le jonglage est bien plus qu’une discipline technique. Au fil des mots de Jonathan, on découvre un univers où la musicalité, la coopération et le respect de l’environnement deviennent des piliers. Une approche harmonieuse qui donne envie d’enrichir encore nos pratiques, de soutenir les projets engagés et de prendre part à l’aventure collective du jonglage de demain
Jongler en rythme avec la musique grâce à la Méthode de Jonathan Lardillier.
Diabolo à triple roulements, baguettes Superglass, 10m Ficelle Henrys et Sac !
Coque souple, remplissage : millet Fabriqué en France par NetJuggler.
Taille idéale pour découvrir et apprendre à jongler aux anneaux.