Refuser tous les cookies*
Nous utilisons des cookies afin de réaliser des statistiques et des mesures d’audience.
Accepter les cookies
Gérer vos préférences
Actualités
Proposer une actu

Clowns Sans Frontières France : L’art du clown au service de l’humanitaire

Par NetJuggler | Ven 21 mars 2025

Fondée il y a près de trois décennies, l’association Clowns Sans Frontières France s’illustre par une idée simple et puissante : mettre l’art du clown et du spectacle vivant au service de l’action humanitaire. À l’instar d’autres ONG « sans frontières », cette initiative mobilise des artistes bénévoles pour apporter rire, espoir et réconfort aux populations les plus vulnérables, en particulier les enfants, dans des contextes de crise. Cet article propose une plongée approfondie dans l’histoire, la mission et les actions de Clowns Sans Frontières France, en explorant son impact humanitaire et culturel, son fonctionnement interne, ses partenariats multiples et ses liens avec le réseau international des Clowns Sans Frontières. Un regard documenté, à la fois factuel et engagé, sur « l’art du clown au service de l’humanitaire ».

Histoire de Clowns Sans Frontières France

Jaume Mateu i Bullich , plus connu sous son nom de scène Tortell Poltrona, né à  Barcelone  le 7 avril 1955, est un clown et dirigeant d'association  catalan . Il est le fondateur de l'organisation humanitaire internationale Clowns Sans Frontières.

L’histoire de Clowns Sans Frontières France débute au cœur des conflits des années 1990. En février 1993, le clown catalan Tortell Poltrona est invité à jouer dans des écoles improvisées d’un camp de réfugiés en Croatie, en pleine guerre de l’ex-Yougoslavie. Marqué par l’expérience et conscient du pouvoir du rire en temps de crise, il crée à son retour l’association Payasos Sin Fronteras en Espagne​, posant la première pierre d’un mouvement de clowns humanitaires. Lors d’une tournée franco-espagnole organisée cette même année en Croatie, Tortell Poltrona encourage son collègue et ami, le clown français Antonin Maurel, à fonder une structure similaire en France​. L’association Clowns Sans Frontières France voit ainsi le jour en décembre 1993 à Paris, à la Villa Marcès (domicile de la famille Maurel) qui en abrite les premiers pas​. Antonin Maurel s’entoure de quelques proches passionnés (dont plusieurs membres de sa famille ainsi que des artistes comme Malik Nahassia ou Sidonie Pigeon) pour bâtir cette initiative inédite en France.

Les premières années de Clowns Sans Frontières France sont marquées par l’enthousiasme pionnier de ses fondateurs. Très vite, l’idée fait écho au-delà des frontières : dès 1994, une mission conjointe d’artistes canadiens et français part en Bosnie-Herzégovine afin de prolonger l’élan initial né en Croatie​. 
Au fil des années 1990, des antennes s’ouvrent dans d’autres pays, comme au Canada, en Suède ou aux États-Unis, s’inspirant du modèle espagnol et français. En France, l’association consolide ses bases : elle est déclarée en tant qu’association loi 1901 à but non lucratif dès sa création​. 
Ses sept cofondateurs restent impliqués pendant plus de vingt-cinq ans dans la gouvernance et l’animation de la structure. 
Depuis, Clowns Sans Frontières France n’a cessé d’intervenir « partout dans le monde pour apporter, à travers le spectacle vivant, un soutien moral » aux enfants et populations en détresse​. Trois décennies plus tard, elle s’impose comme une référence de « l’humanitaire par le rire », forte d’un héritage ancré dans le cirque et la solidarité.

© Malik-Nahassia - Clowns Sans Frontières - Bosnie - 1995

Mission et valeurs de Clowns Sans frontières

Clowns Sans Frontières France se définit comme une association artistique de solidarité internationale dont la mission est d’apporter un soutien psychosocial aux populations affectées par des crises humanitaires ou vivant dans une grande précarité, en premier lieu les enfants​. Concrètement, ses artistes interviennent à travers des spectacles de clown, de cirque, de magie, de musique ou de danse pour redonner « le goût de sourire » à des enfants qui ont subi conflits, déplacements forcés ou catastrophes. Il s’agit d’offrir un moment de répit et de joie aux plus vulnérables, afin de les aider à se reconstruire émotionnellement. Tous les intervenants de l’association sont des professionnels du spectacle vivant qui mettent bénévolement leur art au service de cette cause, le temps des missions​. Clowns Sans Frontières France agit toujours en partenariat étroit avec des associations locales ou des ONG déjà présentes sur le terrain, pour intégrer son action artistique dans un cadre humanitaire cohérent​.

Clowns Sans Frontières © Katja Muller – Sénégal 2019

Les valeurs de Clowns Sans Frontières France sont formulées dans un plaidoyer et une éthique clairs. L’association s’engage notamment en faveur du respect du droit à l’enfance et considère l’accès à l’art et à la culture comme un droit fondamental​. Ses actions sont guidées par des principes forts qui orientent ses modes d’intervention et son discours public :

  • Le droit à l’enfance pour tous, à tout âge – Dans de nombreuses crises, les droits des enfants (éducation, jeu, insouciance) sont bafoués au quotidien. Clowns Sans Frontières France affirme l’urgence de défendre le droit de rire, de jouer et d’imaginer, pour redonner à chaque enfant une part d’enfance même au milieu des épreuves​.
  • L’engagement bénévole d’artistes professionnels« Mettre son art au service des plus vulnérables » est un credo de l’association. Convaincue que l’accès à l’art et à la culture contribue à l’émancipation et à la dignité humaine, Clowns Sans Frontières n’emploie que des artistes formés et bénévoles en mission, gage d’authenticité et de générosité dans l’action.
  • La priorité aux crises oubliées – Fidèle à son nom, Clowns Sans Frontières entend franchir les barrières, y compris celles de l’indifférence médiatique. L’association privilégie les interventions dans des contextes peu médiatisés, afin d’attirer l’attention du grand public, des médias et d’autres organisations sur des « crises oubliées » grâce à l’originalité de son approche​.
  • Le respect des principes humanitaires – Bien qu’atypique, l’action de Clowns Sans Frontières France s’aligne sur les principes fondateurs de l’aide humanitaire : l’humanité (priorité aux besoins des plus vulnérables), l’impartialité (aide sans discrimination), la neutralité et l’indépendance vis-à-vis des intérêts politiques ou religieux​. Ces garanties éthiques assurent que le rire partagé ne serve jamais de propagande, mais bien une cause humanitaire universelle.

En somme, la vision de Clowns Sans Frontières France s’articule autour d’un message central : « le rire, le jeu et l’imaginaire ne sont pas des luxes, mais des besoins essentiels » même en situation d’urgence. Le plaidoyer de l’association promeut le droit à l’enfance partout dans le monde, estimant que l’accès à l’art et à la culture fait partie des droits de l’Homme​. 
Clowns Sans Frontières France revendique ainsi la place des droits culturels au même titre que les besoins primaires : « nous revendiquons que les droits culturels font partie des droits et besoins premiers de la personne », peut-on lire dans son manifeste​. Sa démarche est résolument citoyenne et militante, émanant de membres de la société civile (les artistes eux-mêmes) qui s’engagent aux côtés de populations fragilisées pour défendre leur dignité​. Cet engagement se traduit par une méthode d’action particulière, fondée sur l’écoute du terrain, la collaboration avec des partenaires humanitaires et artistiques, et le souci de pérenniser les effets de chaque mission au-delà du spectacle.

Des interventions artistiques sur le terrain

À l’international : camps, zones de crise et communautés oubliées

Depuis 1993, Clowns Sans Frontières France a déployé ses activités aux quatre coins du monde, en réponse à des crises variées. Plus de 40 pays et territoires ont accueilli les nez rouges de l’association, de l’Afrique à l’Asie, en passant par le Moyen-Orient et l’Europe de l’Est​. Historiquement née dans les camps de réfugiés des Balkans, l’ONG a par la suite mené des missions dans des contextes aussi divers que : les villages isolés du Sénégal, les quartiers défavorisés de Madagascar, les camps de déplacés en Éthiopie, les zones sinistrées après le tsunami en Asie du Sud-Est, les territoires palestiniens en Cisjordanie, ou encore les orphelinats de Roumanie, pour n’en citer que quelques-uns​. À chaque fois, il s’agit d’intervenir au plus près des populations victimes de conflits armés, de catastrophes naturelles ou d’extrême pauvreté, afin de leur apporter un soutien moral par le biais du rire.

Depuis 1994, Clowns Sans Frontières est intervenu dans 40 pays, dans des contextes très différents mais avec toujours le même objectif : apporter le rire partout sur son passage.

Clowns Sans Frontières France opère généralement après la phase d’urgence immédiate, en complément de l’aide humanitaire classique. Comme le souligne sa déléguée générale Noémie Vandecasteele, l’association intervient « en seconde ligne », lorsque les besoins vitaux (nourriture, soins médicaux, abri) ont été couverts, et que les personnes peuvent réellement profiter d’un spectacle​.
Le défi est alors de créer un espace de joie partagé dans des environnements souvent traumatisants. Les formes prises par les missions varient : représentations de rue dans des camps de réfugiés, tournées de villages en zones de guerre, ateliers artistiques dans des centres pour enfants soldats démobilisés, etc. Par exemple, en 2005 en Afghanistan, les équipes ont organisé à Kaboul des spectacles et des ateliers de clown pour des enfants ayant grandi au milieu des violences et de l’exil​. 
En 2013 aux Philippines, une tournée a été menée auprès d’enfants des rues de Manille, apportant musique et clowneries dans des quartiers où les rires d’enfants se font rares​. Plus récemment, à l’automne 2023, Clowns Sans Frontières France a programmé des interventions en Turquie (auprès de familles réfugiées et sinistrées) ainsi qu’au Sénégal, tandis qu’une mission innovante était prévue dans une prison pour mineurs et femmes au Cambodge – preuve de la diversité des contextes investis​.

Les domaines d’action de Clowns Sans Frontières couvrent plusieurs stades de l’intervention humanitaire :

  • En situation d’urgence, l’association propose des spectacles immédiats dans les camps et zones sinistrées, afin d’accompagner le processus de résilience psychosociale en parallèle des secours matériels​. Ces spectacles agissent comme un premier baume émotionnel, permettant aux enfants et à leurs familles de souffler et de se reconstruire intérieurement après le choc d’une guerre ou d’un désastre.
  • En phase de réhabilitation et de relèvement, les clowns interviennent auprès des populations réfugiées ou déplacées sur le moyen terme​. Des tournées sont organisées dans les camps ou les communautés d’accueil, pour soutenir le retour d’une vie sociale normale et durable. Le rire devient un outil pour accompagner la reconstruction des personnes déracinées et renforcer leur capacité à aller de l’avant.
  • En contexte de développement, Clowns Sans Frontières met en place des activités artistiques pour des enfants exclus ou privés de liberté (enfants des rues, mineurs en prison, jeunes des minorités marginalisées)​. Ces projets s’effectuent toujours en partenariat avec des artistes locaux. L’objectif est double : intégrer le droit à l’enfance (loisir, expression, créativité) dans les programmes locaux d’éducation et de développement, et encourager les talents artistiques locaux à poursuivre ce travail une fois la mission terminée​. Par exemple, en Madagascar, où Clowns Sans Frontières intervient de longue date, les équipes montent des ateliers avec des musiciens et comédiens malgaches afin que ceux-ci puissent à leur tour perpétuer les activités auprès des enfants défavorisés​.

Quelle que soit la forme précise de l’intervention, un spectacle de Clowns Sans Frontières France se veut participatif et adapté au contexte. Les numéros sont souvent conçus sur place, nourris par les échanges avec la communauté et la culture locale​. Les artistes de l’association cherchent à impliquer le public – surtout les enfants – dans le jeu clownesque, par des rires, des chants, des interactions spontanées, pour que chacun devienne acteur d’un moment de partage. Il n’est pas rare que des artistes locaux rejoignent la troupe éphémère créée le temps d’une mission, donnant lieu à des créations collectives uniques​. Cette co-construction interculturelle renforce l’impact des spectacles : elle assure une meilleure réception par le public (qui se reconnaît dans les références culturelles employées) et laisse derrière elle des graines, en formant les partenaires locaux aux techniques du clown humanitaire.

En France : au service des plus précaires et de la sensibilisation

Si l’essentiel des missions de Clowns Sans Frontières France se déroule à l’étranger, l’association agit également sur le territoire français, dans une logique de solidarité locale et d’éducation au développement. Dès ses premières années, Clowns Sans Frontières France est intervenue en France pour des publics en difficulté, par exemple auprès d’enfants de familles sans domicile en région parisienne​. Aujourd’hui, l’association mène des projets artistiques avec des communautés marginalisées sur le sol français, souvent en partenariat avec des structures sociales.

Extrait du journal annuel 2020 de Clowns Sans Frontières

Un axe important est le travail auprès des personnes migrantes et réfugiées en France. Par exemple, des spectacles et ateliers sont régulièrement organisés dans des centres d’hébergement d’urgence pour familles migrantes (CHUM) en Île-de-France​. Dans ces lieux où des familles ayant fui la guerre ou la misère tentent de se reconstruire, les clowns offrent aux enfants un temps de jeu et de rire qui les aide à surmonter le traumatisme de l’exil. En 2023, un cycle d’ateliers clownesques a ainsi eu lieu au CHUM d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) : pendant plusieurs jours, des enfants réfugiés ont pu s’initier aux arts du cirque et monter un petit spectacle sur le thème des vacances, qu’ils ont fièrement présenté à leurs parents et camarades​. Les visages enjoués et les éclats de rire résonnant dans ces centres habituellement austères illustrent la portée de ces interventions.

Clowns Sans Frontières France collabore aussi avec des associations engagées auprès des habitants de bidonvilles et squats en France. En Seine-Saint-Denis, par exemple, l’association a conduit des ateliers clown avec des jeunes suivis par l’ONG Les Enfants du Canal, dans le cadre d’un programme d’insertion de jeunes adultes issus des bidonvilles​. Ces ateliers ont permis à de jeunes volontaires, souvent originaires de communautés Roms migrantes, de devenir à leur tour acteurs d’un projet artistique : formés au travail de clown par l’équipe de CSF, ils ont monté un spectacle présenté aux enfants plus jeunes de ces quartiers précaires​. Une telle démarche favorise non seulement l’accès à la culture pour des populations exclues, mais aussi la valorisation de ces jeunes en tant qu’animateurs et citoyens à part entière.

Enfin, Clowns Sans Frontières France assure une mission de sensibilisation du public français aux droits de l’enfance et à la solidarité internationale. L’association organise des événements, expositions photo, projections et témoignages pour faire connaître son action et, à travers elle, la situation des enfants dans les crises oubliées. Par exemple, des campagnes comme la « Marche des Nez » – un événement de rue rassemblant artistes et citoyens – ont été menées pour attirer l’attention sur la cause du droit à l’enfance dans le monde, en impliquant des dizaines de partenaires culturels en France​. Ces actions de communication, souvent ludiques et participatives, prolongent le travail de terrain en invitant le grand public à réfléchir au pouvoir du rire et de l’art face à la détresse humaine.

Un impact humanitaire et culturel

Après 30 ans d’existence, Clowns Sans Frontières France peut mesurer un impact multiforme, à la fois humanitaire, psychosocial et culturel, de ses interventions. Sur le plan humanitaire strict, l’association contribue avant tout au bien-être psychologique des populations touchées par des crises. De nombreux témoignages recueillis après les spectacles confirment que ces moments de rire partagés procurent aux enfants et à leurs parents des « moments d’émotions positives et de bien-être », selon les termes de Noémie Vandecasteele​. Des enfants qui avaient perdu le sourire retrouvent, ne serait-ce que l’espace d’une heure, l’insouciance du jeu. « Le rire et la pratique artistique permettent aux enfants de se reconnecter avec des émotions positives, de prendre du recul sur leur situation difficile et de s’évader de leur quotidien », explique la déléguée générale de CSF. Ces instants volés à la gravité du réel ont un effet « réparateur » : ils aident à panser les traumatismes invisibles, à restaurer l’énergie vitale et l’espoir. Des psychologues humanitaires considèrent désormais ce soutien psychosocial comme un complément indispensable aux secours matériels, notamment pour favoriser la résilience des plus jeunes face aux chocs qu’ils ont subis.

L’impact se manifeste également au niveau du lien social et communautaire. Un spectacle de clown dans un camp de réfugiés ou un village sinistré n’est pas qu’un divertissement individuel : c’est un événement collectif qui rassemble des personnes de tous âges et tous horizons autour d’une expérience commune. « Sur des camps de réfugiés par exemple, où la communication entre les individus peut être difficile, les spectacles offrent un moyen de créer une cohésion entre tous les bénéficiaires », observe Noémie Vandecasteele​. Le rire, langage universel, abolit le temps d’une représentation les barrières linguistiques, culturelles ou sociales. On voit alors se côtoyer des communautés parfois divisées, qui partagent ensemble un moment d’humanité. Ce renforcement du lien social est précieux dans des contextes où la cohésion est mise à mal par l’adversité. De plus, en réinvestissant l’espace public (la place du village, la cour du camp) pour en faire une scène de spectacle, les clowns redonnent vie à ces espaces et recréent du collectif là où régnaient peur ou repli​. Il n’est pas rare qu’après le départ de Clowns Sans Frontières France, les communautés locales continuent d’utiliser ces lieux de rassemblement pour d’autres activités solidaires ou festives – signe que la dynamique insufflée perdure.

Sur le plan culturel, l’action de Clowns Sans Frontières est porteuse d’un message fort : l’accès à l’art est un droit universel et un facteur d’émancipation. En apportant des spectacles dans des endroits où l’expression culturelle est inexistante ou réduite (camps, bidonvilles, zones de conflit), l’association affirme que la culture n’est pas un luxe d’occidentaux repus, mais un besoin fondamental, y compris en situation de survie​. Ce faisant, elle redonne une voix à des enfants et des populations souvent réduits au statut de victimes silencieuses. Le spectacle vivant, interactif par nature, permet aux bénéficiaires d’exprimer des rires, des émotions, voire de monter sur scène aux côtés des clowns. Pour beaucoup d’enfants, c’est la première occasion de participer à une activité artistique, de se sentir valorisés autrement que par l’aide alimentaire ou scolaire. Les missions de Clowns Sans Frontières laissent ainsi une empreinte culturelle durable : elles éveillent l’imaginaire des enfants, révèlent parfois des vocations artistiques locales, et sensibilisent les acteurs éducatifs du cru à l’importance du jeu et de la créativité dans le développement de l’enfant​.

Le témoignage d’Isabelle Marie, partenaire de l’association à Madagascar depuis 20 ans, illustre cet impact global. Elle raconte comment le rire apporté par les clowns « permet de transformer les problèmes quotidiens des enfants grâce aux messages positifs qu’il délivre ». Surtout, note-t-elle, « l’action de CSF ne s’adresse pas qu’aux enfants, elle amène aussi les responsables des centres d’accueil et des écoles à améliorer leurs approches envers les enfants et leurs parents, pour des changements sociaux durables ». Autrement dit, la présence des clowns déclenche une prise de conscience chez les adultes locaux – éducateurs, travailleurs sociaux, parents – de l’importance d’un traitement bienveillant et à l’écoute des enfants. Ce « changement de regard » sur l’enfance est l’une des retombées les plus profondes des missions. Par ailleurs, Isabelle souligne la « richesse des échanges » entre les artistes de CSF et les musiciens malgaches qui les accompagnent : un enrichissement mutuel qui, là encore, dépasse le seul cadre du spectacle​.

Clowns Sans Frontières © Achil Bras - Palestine 2019

En termes quantitatifs, l’impact de Clowns Sans Frontières France n’est pas négligeable. Par exemple, sur la seule année 2016, l’association a pu réaliser 12 missions dans le monde (soit 117 jours d’action) auprès de plus de 10 000 enfants et adultes bénéficiaires, grâce à la mobilisation de 111 artistes bénévoles partis en mission (Madagascar, Égypte, Uruguay, Inde, Arménie, etc.)​. Ces chiffres donnent une idée de l’ampleur du public touché. En trois décennies, ce sont des centaines de milliers d’enfants qui ont pu rire et s’évader quelques instants grâce aux clowns humanitaires, dans plus de 30 pays différents​. Au-delà des bénéficiaires directs, le rayonnement médiatique de certaines interventions a permis de sensibiliser l’opinion. Par exemple, les actions menées dans des crises oubliées (telles que les camps de réfugiés sahraouis, ou des zones enclavées en Birmanie) ont suscité articles et reportages, braquant les projecteurs sur des situations méconnues du grand public​. On peut donc parler d’un impact de plaidoyer : Clowns Sans Frontières parvient, par l’originalité de son approche, à attirer l’attention sur des causes humanitaires délaissées, contribuant ainsi à mobiliser d’autres acteurs ou soutiens financiers en leur faveur​.

Enfin, sur le plan symbolique et culturel, Clowns Sans Frontières a apporté une contribution notable : celle d’avoir légitimé le rôle du clown comme « personnage humanitaire ». Longtemps perçu uniquement comme un amuseur de cirque, le clown trouve ici une nouvelle dimension, celle de « consolateur » pour reprendre le mot du célèbre Howard Buten​. L’association a démontré qu’on peut être clown et humanitaire, sans que l’un dévoie l’autre – bien au contraire. Ce message a infusé dans le monde culturel et humanitaire : de plus en plus, l’art est reconnu comme vecteur de résilience en crise, et Clowns Sans Frontières a été pionnière en la matière. En 2014, l’association a reçu le Prix « Culture pour la Paix » de la Fondation Chirac, saluant cette alliance de l’art et de la solidarité​. D’autres distinctions, comme le Prix de la Diversité Culturelle (2019) ou le Trophée Pro Bono (2020), sont venues récompenser son action​. Mais peut-être le meilleur indicateur d’impact reste le sourire d’un enfant qui, au milieu d’un camp de réfugiés ou d’une salle d’hôpital improvisée, s’émerveille devant un nez rouge et s’autorise de nouveau à rire.

Structure, gouvernance et fonctionnement de l’association

Pour accomplir cette mission singulière, Clowns Sans Frontières France s’appuie sur une structure organisationnelle légère mais solide. Enregistrée comme association loi 1901 dès 1993, elle fonctionne selon un modèle classique de gouvernance associative : une Assemblée Générale annuelle de ses adhérents, qui élit un Conseil d’Administration (CA) chargé de définir les orientations et de superviser la gestion​. Le CA, dirigé par un·e président·e, se réunit régulièrement pour arrêter les budgets, approuver les comptes et suivre les activités en cours. Il délègue la gestion courante à une équipe salariée basée à Paris, recrutée par lui pour mettre en œuvre le projet associatif au quotidien​.

L’équipe permanente de Clowns Sans Frontières France est volontairement restreinte. Actuellement, elle se compose de trois salariés : une Déléguée Générale (qui assure la direction et la coordination globale), un Responsable des projets (gestion des missions et des partenariats terrain) et une Chargée de communication et des relations donateurs. Cette petite équipe opérationnelle, installée dans le 19e arrondissement de Paris, pilote l’ensemble des activités depuis le siège. Elle gère la logistique des missions à l’étranger (coordination avec les partenaires locaux, recrutement des artistes bénévoles pour chaque projet, préparation matérielle), le développement des projets en France, la communication (site web, réseaux sociaux, relations presse) et la recherche de financements. Compte tenu du volume de travail, l’équipe est régulièrement renforcée par des volontaires en service civique et des stagiaires, qui apportent un appui sur des tâches spécifiques (animation d’ateliers en France, aide administrative, montage de contenus, etc.)​.

Surtout, Clowns Sans Frontières France ne pourrait rien sans son vaste réseau de bénévoles. Chaque année, plus de 300 bénévoles contribuent aux actions de l’association, de différentes manières​. Parmi eux figurent en premier lieu les artistes bénévoles qui partent sur le terrain : clowns, comédiens, musiciens, acrobates, magiciens, etc., tous professionnels du spectacle, ils consacrent plusieurs semaines de leur temps pour participer à une mission sans rémunération (seuls leurs frais sont pris en charge). En 2016, par exemple, 111 artistes bénévoles sont partis en tournée humanitaire avec Clowns Sans Frontières​. Cette mobilisation artistique bénévole est l’ADN de l’association depuis ses débuts, et l’une de ses grandes forces. Les bénévoles incluent aussi les personnes qui s’engagent en France pour soutenir l’équipe du siège ou mener des actions de sensibilisation : organisation d’événements, diffusion de l’information, aide logistique lors de campagnes, compétences techniques (montage vidéo, informatique, traduction…). Ce bénévolat de compétence permet à l’association de rester à « taille humaine », c’est-à-dire de privilégier la qualité et l’impact de ses projets plutôt que la croissance de sa structure​. Le volontariat et la passion partagée sont au cœur de son identité atypique.

Extrait du journal annuel 2020 de Clowns Sans Frontières FRANCE - PIERRE CHEVALIER, DIRECTEUR DÉLÉGUÉ DE L’INSTITUT FRANÇAIS DE JÉRUSALEM

Le fonctionnement logistique des missions repose beaucoup sur la coopération avec des ONG établies localement. Clowns Sans Frontières France intervient à la demande de partenaires locaux ou internationaux déjà présents sur le terrain, ou bien lorsque l’association identifie un besoin urgent non couvert​. Dans la pratique, cela signifie que les missions s’organisent souvent en réponse à une invitation : par exemple, une ONG humanitaire médicale ou une association d’aide à l’enfance sollicite Clowns Sans Frontières pour compléter son action par des spectacles, ou un collectif local propose d’accueillir une tournée de clowns. Cette approche garantit la pertinence de l’intervention et son intégration harmonieuse dans le contexte. Avant chaque mission, une phase de préparation rigoureuse est menée : échanges avec le partenaire demandeur, définition des objectifs (quel public, quels lieux, quel timing), constitution d’une équipe artistique adaptée (compétences linguistiques ou culturelles utiles, équilibre des disciplines artistiques), et logistique (matériel de spectacle léger, transport, visas, etc.). Une fois sur place, les artistes sont généralement accompagnés par un coordinateur de CSF et par l’équipe du partenaire local, qui facilitent les contacts avec la population, les autorités et s’assurent des conditions de sécurité. C’est un travail de fourmi qui se cache derrière la magie spontanée du spectacle : comme l’exprime un des responsables, « notre démarche repose sur l’interrogation et l’écoute du terrain, la rencontre avec les partenaires […] Nous nous appuyons sur leur expertise pour concevoir nos interventions en complémentarité de leur action ». Cette complémentarité opérationnelle est l’une des clés de la réussite des missions.

En interne, Clowns Sans Frontières France cultive un esprit collaboratif et participatif. La petite taille de l’équipe salariée favorise une grande réactivité et des relations proches avec les bénévoles et les artistes. Les anciens volontaires restent souvent liés à l’association, formant une sorte de grande famille unie par l’expérience des missions. L’Assemblée Générale annuelle est l’occasion de rassembler adhérents, bénévoles et partenaires pour faire le point, échanger sur les orientations et élire le Conseil d’Administration. À titre d’illustration, en 2020 l’association a mené une réflexion stratégique pour adapter ses modes d’action au contexte de la pandémie de Covid-19, en concertation avec ses membres. Cette adaptabilité et cette gestion souple lui ont permis de traverser les périodes difficiles (conflits empêchant certaines missions, crises sanitaires, etc.) tout en maintenant le cap sur sa raison d’être.

Partenaires et soutiens de l’association

Pour mener à bien ses projets à travers le monde, Clowns Sans Frontières France s’appuie sur un large réseau de partenariats, reflétant la transversalité de son action entre culture et humanitaire. Ces partenaires se déclinent en plusieurs catégories complémentaires :

  • ONG et associations humanitaires (partenaires opérationnels) : Sur le terrain, Clowns Sans Frontières collabore très souvent avec d’autres ONG qui l’accueillent ou intègrent ses spectacles à leurs programmes. Par exemple, lors de ses missions en République démocratique du Congo, l’association a pu compter sur le soutien logistique de Médecins du Monde et de la Croix-Rouge locale. De même, au Guatemala, ce sont des organisations comme Enfants Réfugiés du Monde, ATD Quart Monde ou Médecins Sans Frontières (suisse) qui ont facilité l’arrivée des clowns dans des communautés isolées. Ces ONG partenaires voient dans les clowns un moyen d’apporter un mieux-être psychologique à leurs bénéficiaires et de renforcer l’efficacité globale de l’aide. Les liens sont parfois anciens : ainsi à Madagascar, Clowns Sans Frontières travaille depuis plus de 15 ans en partenariat avec l’ONG Handicap International et l’association malgache Afafi pour organiser ses tournées dans les régions reculées. L’association intervient aussi en appui de programmes gérés par l’UNICEF, le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) ou Save the Children selon les contextes. Cette synergie avec le secteur humanitaire classique est un pilier de son mode opératoire.
  • Institutions publiques et agences internationales : Clowns Sans Frontières France bénéficie de l’appui de plusieurs institutions, notamment pour le financement de ses projets. Le Ministère français de la Culture soutient l’association dans le cadre de sa mission de promotion des droits culturels​. L’Agence Française de Développement (AFD), banque de développement de l’État, a également contribué à certaines missions ou études d’impact​. Des ambassades de France à l’étranger (Madagascar, Sénégal, Égypte, etc.) apportent régulièrement un concours financier ou logistique aux tournées de clowns dans ces pays​. Au niveau local, la Ville de Paris a distingué l’association via le Label Solidev de soutien aux initiatives solidaires​, et des conseils régionaux ou départementaux peuvent subventionner ponctuellement les actions en France. Sur la scène internationale, Clowns Sans Frontières International (le réseau mondial dont fait partie CSF France) est reconnu partenaire officiel de l’UNESCO pour la promotion de la diversité culturelle et du droit à l’enfance (statut consultatif obtenu en 2015). Cette reconnaissance institutionnelle conforte la crédibilité de l’association dans le milieu humanitaire.
  • Fondations, mécènes et entreprises solidaires : Une part significative des ressources provient de la générosité privée, à travers des fondations et mécènes d’entreprise. Parmi les fidèles soutiens, on peut citer la Fondation Air France, engagée auprès de CSF depuis de nombreuses années pour financer des missions en Afrique​. La Fondation Pierre Bellon (du fondateur de Sodexo) est également un partenaire financier important​. D’autres fondations d’entreprise ou familiales contribuent selon les projets : la Fondation de France, le Fonds de dotation Hoppenot, la Fondation Wavestone, la Fondation Banque Populaire Rives de Paris, etc. Certaines agences ou programmes publics peuvent jouer un rôle de mécène, par exemple l’Agence du Service Civique ou des fonds franco-allemands pour la culture​. En parallèle, l’association développe le mécénat d’entreprise via des partenariats avec des PME ou grandes entreprises sensibles à sa cause. Le voyagiste solidaire Touristra Vacances, par exemple, fait partie des partenaires opérationnels en offrant son appui logistique​. Des sociétés comme Procédés Chenel (spécialisée dans la scénographie) soutiennent CSF en fournissant du matériel scénique. Par ailleurs, Clowns Sans Frontières propose aux entreprises des possibilités de partenariat variées (arrondi solidaire, team building autour du clown, etc.) pour associer le monde corporatif à son aventure humanitaire.
  • Artistes, personnalités et structures culturelles : De nombreux artistes de renom ont choisi de parrainer ou d’accompagner Clowns Sans Frontières France, conscients de la portée de son action. Le musicien Matthieu Chedid (alias -M-), parrain de l’association, résume son soutien en une phrase : « Rire, c’est vivre… Je suis fier qu’il existe des associations comme Clowns Sans Frontières ». À ses côtés, l’humoriste Pascal Légitimus, le chanteur Arthur H, le magicien Yann Frisch, le journaliste Fabrice Drouelle ou la batteuse Anne Paceo figurent parmi les marraines et parrains donnant de leur voix pour promouvoir les actions des clowns solidaires​. Ces personnalités apportent non seulement un soutien moral, mais souvent participent à des événements de levée de fonds ou de communication, élargissant l’audience de l’association. Clowns Sans Frontières tisse aussi des liens étroits avec le monde du cirque et du spectacle en France. Plusieurs lieux culturels et compagnies soutiennent ses projets : le Cirque Électrique (lieu alternatif à Paris), le Cirque Jules Verne d’Amiens (Pôle national cirque), l’école de clown Le Samovar en banlieue parisienne, le centre artistique Le 104 à Paris, ou encore la Scène nationale de l’Essonne, ont contribué à des résidences de création ou à des actions de sensibilisation menées par CSF​. Dans le Nord de la France, des troupes comme la Compagnie Vis Comica ou des festivals de rue ont accueilli des représentations servant la cause de CSF. Ces soutiens culturels renforcent la visibilité de l’association dans le milieu artistique et l’aident à recruter de nouveaux volontaires.
Parrains et marraines l'association Clowns Sans Frontières

En réunissant ces partenaires d’horizons variés – humanitaire, institutionnel, privé, culturel – Clowns Sans Frontières France arrive à bâtir des projets complets, où chacun joue son rôle. Par exemple, une mission type pourra être financée par une fondation d’entreprise, organisée en lien avec Médecins du Monde sur place, avec la participation d’artistes locaux repérés grâce à l’Institut Français, et faire l’objet d’un reportage diffusé sur les réseaux d’un parrain célèbre. Ce maillage partenarial est coordonné par l’association avec professionnalisme, ce qui lui vaut d’être intégrée à plusieurs réseaux officiels : elle est membre de Coordination SUD (la coordination nationale des ONG françaises de solidarité)​ , ainsi que du Groupe Enfance qui rassemble les ONG œuvrant pour les droits de l’enfant​. Elle appartient aussi au réseau Clowns Without Borders International, évoqué ci-après, qui mutualise les expériences des différentes antennes nationales.

Un réseau international de clowns humanitaires

Bien qu’autonome dans sa gestion, Clowns Sans Frontières France s’inscrit dès l’origine dans une dynamique internationale, faisant partie d’une constellation d’associations sœurs à travers le monde. Tout commence avec l’initiative fondatrice de Tortell Poltrona en Espagne en 1993, qui a inspiré non seulement la France mais aussi d’autres pays à créer leur propre branche de clowns sans frontières. Clowns Without Borders International (CWBI) est aujourd’hui la fédération informelle qui regroupe ces différentes antennes nationales. Basée à Barcelone, là où tout a commencé, CWBI favorise la coordination, l’échange de bonnes pratiques et la visibilité globale du mouvement.

Clowns Without Borders International (CWBI)  est aujourd’hui la fédération informelle qui regroupe ces différentes antennes nationales.

On compte actuellement une quinzaine de chapitres Clowns Sans Frontières actifs dans le monde​ . Outre la France et l’Espagne, des associations Clowns Sans Frontières existent notamment au Canada (fondée dès 1993-94, ce fut l’une des premières après l’Espagne​), en Suède (Clowner Utan Gränser, créée en 1996), aux États-Unis (Clowns Without Borders USA, lancé en 1995 lors d’une mission au Chiapas mexicain), mais aussi en Belgique, en Allemagne, en Afrique du Sud, en Australie, en Irlande, au Brésil, etc. Chacune de ces entités est indépendante juridiquement, mais toutes partagent la même mission humanitaire et la même philosophie de l’engagement bénévole par l’art. Le réseau CWBI facilite des rencontres régulières entre ces antennes (assemblées internationales, formations communes) et porte un plaidoyer conjoint sur la scène internationale en faveur des droits culturels et du droit à l’enfance. Depuis 2015, Clowns Without Borders International dispose d’un statut consultatif auprès de l’UNESCO, ce qui lui a permis de participer à des conférences mondiales sur l’éducation artistique et la paix. Cette reconnaissance conforte l’idée que le modèle initié par Tortell Poltrona a pris une dimension globale.

Clowns Sans Frontières © Christophe Raynaud de Lage - Tanzanie 2015

Les collaborations entre les différentes antennes sont fréquentes. Historiquement, on l’a vu, la première mission de CSF France en 1993 était une initiative franco-espagnole en Croatie, de même qu’en 1994 une mission canado-française s’est rendue en ex-Yougoslavie​. Aujourd’hui encore, il arrive que des équipes mixtes soient constituées pour des projets spécifiques : par exemple, un clown de CSF Suède rejoindra une tournée pilotée par CSF Belgique en Grèce, ou bien CSF France co-organisera un projet avec CSF Canada au Liban. Le partage d’information est constant via CWBI, qui tient à jour un calendrier des missions de chaque pays pour éviter doublons et favoriser les synergies. En cas de crise majeure, comme le séisme en Haïti de 2010, les antennes peuvent conjuguer leurs efforts : ainsi, après le tremblement de terre, Clowns Sans Frontières a mené plusieurs tournées en Haïti en 2010-2011 avec la participation d’artistes de divers pays, en partenariat avec des ONG comme Terre des Hommes.

Chaque antenne apporte sa sensibilité propre enrichissant l’ensemble. Les Suédois, par exemple, ont développé des méthodes inspirées de la psychologie du clown pour travailler auprès d’enfants-soldats en Ouganda ; les Canadiens ont mis l’accent sur la formation de clowns locaux dans les pays visités ; les Américains ont documenté certaines interventions (comme au Chiapas en 1996) montrant comment la présence de clowns peut même contribuer à apaiser des tensions (on raconte qu’un spectacle donné aux sympathisants zapatistes aurait aidé à désamorcer une situation tendue lors de négociations de paix)​. Ces retours d’expérience nourrissent la réflexion collective.

Clowns Sans Frontières France entretient des liens privilégiés avec ses homologues espagnol et canadien, compte tenu de l’histoire commune, mais aussi avec Clowns Sans Frontières Suède, l’une des branches très actives en Europe. En 2022, par exemple, CSF France a participé aux côtés de CSF Suède et Espagne à un projet soutenu par l’Union européenne pour promouvoir les droits de l’enfant par le cirque social. Ce type de partenariat international démontre la cohésion du réseau CWBI et la volonté d’inscrire l’art du clown humanitaire dans des cadres de coopération internationale plus larges. En interne, CWBI permet également de mutualiser des outils (guides de sécurité, chartes éthiques, évaluations d’impact) et d’adopter des positions communes. L’éthique et la charte de Clowns Sans Frontières France, par exemple, s’alignent étroitement sur celles définies au niveau international pour garantir une pratique responsable du clown humanitaire.

Ainsi, si Clowns Sans Frontières France opère principalement avec ses propres ressources, elle n’est jamais isolée. Elle appartient à cette famille mondiale des Clowns Without Borders, unies par le même nez rouge symbole d’espoir. Ce réseau international démultiplie la portée du slogan « des enfants sans sourire, plus jamais », en le faisant résonner sur tous les continents. Il donne aussi à l’association française une plateforme pour faire valoir ses idées auprès de grandes instances, et pour apprendre des autres. Au final, cette diplomatie du rire tisse des ponts entre les peuples : les clowns sans frontières forment une sorte d’ambassadeurs universels du droit à l’enfance.

Témoignages et récits marquants

Derrière les chiffres et les principes se cachent des histoires humaines qui incarnent l’action de Clowns Sans Frontières. Quelques récits emblématiques permettent de saisir l’essence et l’émotion de ces missions pas comme les autres.
 Clowns Sans Frontières © - Ethipie 2019

L’anecdote fondatrice est elle-même un beau témoignage de solidarité enfantine : en 1993, des écoliers de Barcelone, apprenant que leurs correspondants d’une école croate vivaient dans un camp de réfugiés et « n’avaient plus aucune raison de rire », organisèrent une collecte de fonds pour envoyer leur clown préféré, Tortell Poltrona, jouer là-bas​. Ce sont donc des enfants espagnols qui, les premiers, ont eu l’idée d’utiliser un clown pour consoler d’autres enfants traumatisés par la guerre. Tortell, touché par cette requête, a attiré plus de 4 000 enfants lors de son spectacle dans le camp croate, déclenchant des éclats de rire inoubliables au milieu des tentes​. L’impact fut tel que les humanitaires présents réalisèrent combien « on avait besoin de clown et de rires pour les populations en crise ». Ce moment a cristallisé la nécessité d’une structure comme Clowns Sans Frontières. Tortell Poltrona aime rappeler que, sur place, un enfant lui a simplement dit après le spectacle : « ça faisait si longtemps qu’on n’avait pas ri, merci ». Ces quelques mots justifiaient à eux seuls toute l’entreprise naissante.

Au fil des missions, les clowns accumulent des souvenirs souvent bouleversants. En Macédoine, durant la crise du Kosovo en 1999, une clown de l’équipe française se souvient d’une représentation dans un camp de réfugiés albanais : « Au début, les enfants restaient à distance, le regard vide. Puis l’un d’eux a esquissé un sourire en nous voyant faire les idiots, et tous les autres se sont approchés petit à petit. À la fin, ils voulaient tous toucher notre nez rouge, comme pour vérifier s’il était vrai… et ils riaient aux éclats. » Ce pouvoir de transformation du rire sur un groupe d’enfants prostrés reste gravé dans sa mémoire, tout comme la métamorphose de l’atmosphère du camp ce jour-là – les parents eux-mêmes riaient en voyant leurs enfants jouer de nouveau.

Clowns Sans Frontières © Christophe Raynaud De Lage -  Palestine 2018

Autre scène, autre continent : en 2017, dans une localité reculée de Madagascar, l’équipe de Clowns Sans Frontières monte un spectacle en plein air avec l’aide du groupe de musique local Telofangady. Isabelle, la partenaire malgache de CSF, raconte qu’à la fin de la représentation, les villageois ont improvisé une danse collective autour des clowns : « Les artistes de CSF et nos musiciens locaux dansaient main dans la main avec les enfants et les parents. On ne savait plus qui était clown et qui était spectateur. Ce jour-là, le village a retrouvé sa joie d’antan, et pendant quelques heures on a oublié la sécheresse, la pauvreté… ». Elle souligne que depuis ce passage, les enseignants du coin ont intégré davantage de jeux et de chants dans leur école, convaincus par l’expérience vécue de l’intérêt ludique pour les enfants​.

En France, des récits marquants existent aussi. Par exemple, lors d’un atelier mené en banlieue parisienne, de jeunes volontaires issus de bidonvilles ont témoigné de l’impact sur eux : « Au début du stage, j’osais à peine parler. Et là, je viens de faire le clown devant 50 gamins qui rigolaient… Je ne me reconnais pas ! » confie l’un d’eux en souriant, fier d’avoir dépassé sa timidité grâce au projet avec Clowns Sans Frontières. Un autre ajoute : « Quand j’étais petit en Roumanie, je n’ai jamais vu de spectacle. Alors faire rire des enfants français aujourd’hui, pour moi c’est une revanche. » Ces paroles montrent que l’art du clown peut aussi transformer positivement ceux qui le pratiquent, en plus de ceux qui y assistent – un effet multiplicateur précieux.

Parmi les figures de clowns ayant marqué l’histoire de l’association, on peut citer Malik Nahassia, l’un des cofondateurs, parti sur de nombreuses missions dans les années 1990-2000. Il se souvenait notamment d’une tournée en ex-Yougoslavie où l’équipe avait dû être escortée par des Casques Bleus de l’ONU pour atteindre un orphelinat isolé en Bosnie​. « On jouait sous la protection de soldats armés, c’était surréaliste… Et ces enfants, qui avaient tout perdu, riaient de voir mes chaussures trop grandes et mes gaffes. À ce moment-là, j’ai compris que notre place était vraiment ici, au plus près de ceux qui souffrent. » Ce sentiment de légitimité de l’artiste au cœur de la crise, beaucoup de clowns l’ont exprimé après coup : bien loin de se sentir futiles face à l’horreur, ils ont eu le sentiment d’apporter une aide unique, complémentaire de celle des médecins ou des humanitaires.

Graphisme extrait de la page Nos Missions du site de Clown Sans Frontières France.

On pourrait multiplier les anecdotes : ici un nez rouge donné en cadeau à un enfant qui ne le quitte plus, là un clown qui fait rire un groupe de mères épuisées dans un campement de fortune, ou ce spectacle improvisé sous la pluie au Bangladesh où les artistes terminent trempés mais heureux en voyant le public danser sous l’averse avec eux. Ces récits, souvent rapportés dans les journaux de mission de l’association, nourrissent la légende et l’esprit de Clowns Sans Frontières. Ils rappellent que, derrière chaque action, il y a des rencontres inoubliables : celles d’êtres humains qui, par-delà la barrière des langues et des malheurs, se connectent grâce au rire et à l’émotion partagée.

En conclusion, Clowns Sans Frontières France incarne une forme d’humanitaire originale où l’art du spectacle devient vecteur de soins de l’âme. Son histoire et son fonctionnement montrent le sérieux et la rigueur mis au service d’une idée poétique : « offrir une bulle de rire aux enfants qui traversent la tempête ». Pour les professionnels du cirque et du spectacle, c’est un exemple abouti de ce que leur art peut apporter à la société au sens large, jusqu’aux zones de crise les plus dures. Pour le secteur humanitaire, c’est un rappel que l’assistance aux populations ne se limite pas au pain et au toit, mais passe aussi par la culture, le jeu et l’espoir. Et pour nous tous, c’est une invitation à croire au pouvoir universel du rire : un langage sans frontières qui, modestement mais sûrement, aide à réparer les liens et les êtres. Comme le dit si bien un des parrains de l’association, Yann Frisch, « les clowns célèbrent quelque chose de beau, de mystérieux, de guérisseur parfois : le rire partagé. […] Un possible moyen de panser les plaies d’un monde qui saigne ».

Bibliographie / Sitographie

  • Clowns Sans Frontières France – Site officiel : pages « Notre mission » et « Notre vision » (consultées en 2025). Informations sur la mission artistique, les principes et l’historique de l’association.
  • Coordination SUD – Clowns Sans Frontières France : fiche de présentation de l’ONG (consultée en 2025). Synthèse de la raison d’être, des modes d’action et de l’advocacy de CSF France.). (coordinationsud.org)
  • Aurélie Billecard, LePetitJournal.com, 6 août 2023 – « Clowns Sans Frontières : briser les frontières par le rire et la solidarité ». Article journalistique présentant les actions de CSF (France et international), avec citations de la déléguée générale et exemples récents.(lepetitjournal.com)
  • Viviane Poiret (CSF) interviewée sur Le-Clown.fr, 19 janv. 2021 – « Qu’est-ce que Clowns sans Frontières ? ». Présentation grand public des objectifs de CSF (enfants victimes de guerre, misère, exclusion) et des premiers terrains d’intervention (camps de réfugiés, bidonvilles, prisons pour mineurs…). (le-clown.fr)
  • Blog Arts Nomades, 13 déc. 2016 – « Clowns Sans Frontières – Faites un don ! ».​ Bilan chiffré de l’année 2016 pour CSF France (nombre de missions, bénéficiaires, artistes volontaires) et appel au soutien, illustrant le fonctionnement financier de l’association. (arts-nomades.blogspot.com)
  • Wikipédia (fr), article Clowns Sans Frontières (dernière mise à jour 2025). Historique de la création (Tortell Poltrona en 1993 à Barcelone, Antonin Maurel pour la branche française), avec références à des sources spécialisées (BnF, Journal des Arts). (fr.wikipedia.org)
  • Témoignage d’Isabelle Marie (partenaire malgache de CSF) – publié sur clowns-sans-frontieres-france.org, 2020.Récit de son expérience aux côtés de CSF à Madagascar, mettant en lumière l’impact sur les enfants et les bénéfices de l’échange interculturel pour les partenaires locaux. (clowns-sans-frontieres-france.org)
  • Clowns Sans Frontières France – page « Nos partenaires » du site officiel (consultée en 2025). Liste des soutiens clés (fondations, institutions, associations culturelles, ONG terrain) illustrant le réseau de partenaires variés de l’association. (clowns-sans-frontieres-france.org)
  • Clowns Without Borders USA, page « About Us » (consultée en 2025). Indication de l’appartenance de CSF France au réseau international CWBI, comprenant 15 chapitres dans le monde. (clownswithoutborders.org)
  • Clowns Sans Frontières France – Rapport d’activité et comptes 2019 (données extraites via Wikipédia).
     Indications chiffrées (budget annuel, nombre de salariés et volontaires) soulignant la taille humaine de l’association. (fr.wikipedia.org)

Commentaires

    Aucun commentaire ou question ! Soyez le premier !

    Portique aérien autonome 7m
    3 05000

    Portique aérien autonome 7m

    Pliable et transportable. Montage rapide à 1 personne.

    Massue PX3 Radical Fish rebond longue
    1800

    Massue PX3 Radical Fish rebond longue

    Massue rebond - Collaboration Play/NetJuggler
    52cm - 220g

    Kit diabolo Quartz + Accessoires
    4610

    Kit diabolo Quartz + Accessoires

    Diabolo à triple roulements, baguettes Superglass, 10m Ficelle Henrys et Sac !

    Rola Bola Pedalo®
    8495

    Rola Bola Pedalo®

    Planche et rouleau avec une jolie finition. Produit fabriqué en Allemagne par Pedalo®.

    Tissu aérien
    7300

    Tissu aérien

    Largeur du tissu : 1m50. Choix de couleurs et de longueurs.

    Connexion Francais